CONDITIONS DE BRUME OU BROUILLARD
Composer avec du brouillard peut rendre une atmosphère merveilleuse mais cela peut aussi rapidement aboutir à une photo délavée et plate. Cet article illustre par l'exemple comment utiliser cet environnement à son avantage.
Le pont Clare sous le brouillard de nuit (version 1) - Cambridge, Angleterre
INTRODUCTION
Le brouillard, surtout en Angleterre, se forme généralement tard dans la soirée pour ne se dégager que le matin suivant. Il est aussi courant d'en voir aux abords d'un point d'eau dont la surface est légèrement plus chaude que l'air environnant. Et il est particulièrement question de ce type de brouillard tout au long de cet article mais quel que soit le type de condensation, les mêmes principes s'appliquent.
D'une manière générale, la scène se caractérise par une netteté apparente moindre, un contraste quasi inexistant et une sévère désaturation des couleurs:
Quelques exemples de photos décolorées dans des conditions de brouillard.
Deux clichés au collège St John, Cambridge, Angleterre.
Par essence, le brouillard est un diffuseur naturel: les sources lumineuses apparaissent alors plus étalées et d'une intensité plus faible. En comparaison avec le soleil ou un lampadaire par temps clair, le contraste est terriblement réduit:
Avec une lampe ou le soleil par temps clair (contraste fort) |
En lumière diffuse par temps de brouillard (contraste faible) |
Dans de telles conditions, l'intensité lumineuse étant typiquement plus faible, il faudra d'ores et déjà se résoudre à augmenter la durée d'exposition. De plus, le brouillard réfléchit une certaine quantité de lumière, ce qui peut perturber le détecteur de luminosité dans le sens où cette réflection fera diminuer le temps d'exposition proposé. Tout comme avec de la neige, il faut souvent appliquer une légère compensation.
Mais il n'y a pas que des points noirs, le brouillard devient puissant lorsqu'il s'agit d'augmenter la profondeur et l'éclairage. Ces aspects, décrits ci-dessous, peuvent même conférer à la scène une ambiance mystérieuse, presque fuyante, qui vaut de l'or. Le truc est de savoir comment en profiter, sans pour autant écraser le sujet.
AUGMENTER LA PROFONDEUR
Le pont des mathématiques au Queens' College, Cambridge.
Au fur et à mesure que les objets deviennent plus lointain, il apparraissent non seulement plus petit, mais aussi moins contrastés jusqu'a devenir phantomatiques. Cela peut à la fois être bon et mauvais, étant donné que cet effet exagère la différence entre objets proches et lointains.
Dans l'exemple de gauche, il n'y a pas moins de quatre rangées d'arbres jusqu'au pont. Remarquez à quel point le contraste et la saturation plongent avec la distance. Les derniers arbres juste devant le pont en sont réduits à des silouhettes, alors que les plus proches sont contrastés et hauts en couleur.
Côte au sud ouest de la Sardaigne.
Bien qu'il n'y ait pas de régle magique pour ce type de photographie, il est préférable d'avoir une partie du sujet dans le champ proche. De cette manière, l'image contient une partie colorée et contrastée, et laisse à l'observateur la possibilité d'imaginer le ton de la scène dans son tout. Cela permet aussi d'éviter les transistions abruptes entre champs proche et lointain.
SOULIGNER L'ECLAIRAGE
Vue du pont du King's College,
Cambridge, Angleterre.
Les gouttelettes d'eau sont des diffuseurs puissants, ce qui affaiblit la luminosité globale et renforce les rayons provenant des sources de petite taille ou directionnelles. Un exemple classique est celui du soleil matinal dans une forêt: lorsqu'on regarde en direction du soleil, des rayons transpercent la forêt et se diffusent dans l'air chaud du matin.
Sur la photo de droite, les faisceaux lumineux sont particulièrement apparents en provenance de la fenêtre et d'un luminaire obstrué par un arbre près du pont. Néanmoins, ce désagrément - lorsque cela en est un - peu être contourné dans de nombreux cas en déplacant simplement l'appareil ou en orientant l'objectif un petit peu différement.
Faisceaux au dessus du King's College
lors de l'éclairage de la chapelle pour la chorale, Cambridge.
Le truc pour faire ressortir les faisceaux est de bien positionner le point d'horizon. Ils seront plus puissants si le photographe se positionne proche de l'endroit (mais pas exatement) d'où il observe la source directement. Ce léger décalage permet de faire contraster les rayons sur un fond plus sombre et de ne pas avoir une source trop intense.
D'un autre côté, si le brouillard est très dense ou que la source est très petite, alors un positionnement attentif ne changera pas grand chose. Le deuxième exemple un peu plus haut est pris avec un air qui à l'oeil nu ne paraissaient pas vraiment brumeux, mais les sources étaient petites et intenses. En outre, la lumière diffuse était bien plus forte que l'éclairage ambient, ce qui tend à renforcer l'effet diffus typique du brouillard.
FORMES & SILHOUETTES
Un cygne sur la rivière Cam de nuit, Cambridge.
Le brouillard peut renforcer la forme des objets, ce qui n'est pas évident à première vue, parce que leur texture et leur contraste propre sont affaiblis. Bien souvent, l'objet n'est rien de plus qu'une silhouette.
Dans la photo de gauche, la silhouette du cygne est particulièrement exagérée par le fait que le brouillard portant a effacé la quasi totalité du contraste qui pouvait se trouver en arrière-plan. De plus, beaucoup de lumière est diffusée de par derrière le cygne alors que celui-ci n'en réfléchit que très peu.
Porte arrière du Trinity
College, Cambridge, Angleterre.
Soyez sûrs de choisir votre exposition en fonction du brouillard - et non de l'éclairage du sujet - si vous voulez qu'il apparaisse sombre. Autrement, vous pouvez effectuer une lègère compensation négative pour que le sujet ne soit pas trop clair. Bien entendu, il ne faudra pas pour autant négliger la mise en scène des objets, pour que les différents contours ne se chevauchent pas.
Dans l'exemple à droite, l'objet le plus proche - le portail en fer - ressort bien plus que d'ordinaire contre ce fond d'arbres enchevêtrés. Plus en arrière, chaque silouhette d'arbre apparait en couches successives parce que les branches se font de moins en moins visibles avec la distance.
PHOTOGRAPHIER DE L'EXTERIEUR
Vous avez peut-être déjà entendu: "il est difficile de photographier une forêt lorsqu'on se trouve en plein dedans." C'est parce qu'il est délicat de rendre un sens de l'échelle avec seulement quelques éléments dispersés - il faut sortir de la forêt pour en apprécier les contours et le volume, et que les objets ne prennent pas le dessus sur l'ensemble. Ce principe peut parfaitement s'appliquer au brouillard.
à gauche: Le Mont Rainier transperce les nuages - Washington, USA
à droite: coucher de soleil sur le Mont Wilson - Los Angeles, California, USA
On peut ainsi capturer une masse d'humidité condensée, en évitant le risque de réduction du contraste (au moins pour les objets en dehors du brouillard). Dans le cas d'un brouillard épais, une grande distance revient à se mettre dans un situation qui rappelle plutôt des nuages.
TROUVER LE BON TIMING
Tout comme avec le temps et les nuages, le moment auquel vous choisissez de faire une photo peut avoir une énorme incidence sur l'éclairage. En fonction du type de brouillard, les variations d'épaisseur et l'impression de paquets plus ou moins denses font la différence. En revanche, si les changements sont très lents, il se peut qu'on ne soit plus capable de juger si la situation évolue positivement ou pas parce que l'oeil s'adapte continuellement au contraste. Passer votre curseur sur l'image en dessous pour apercevoir comment une même scène peut changer en l'espace de 6 minutes:
Premier cliché | Après 2 minutes | Après 6 minutes |
Une autre considération de poids est la texture apparente du brouillard. Même en choisissant minutieusement le temps d'exposition, il faut songer à faire plusieurs clichés à la suite parce que la texture peut s'effacer si l'exposition est trop longue. En règle générale, il faut essayer de la maintenir en dessous d'une seconde. Une exposition plus longue peut être envisagée si le ou les objets ne sont pas trop agrandis. Passez votre curseur sur l'image en dessous pour voir comment le temps d'exposition modifie l'apparence du brouillard à la surface de l'eau:
Temps court (1 seconde) |
Temps long (30 secondes) |
Clare Bridge la nuit (version 2) - Cambridge, UK
Vous remarquerez que ce pont figure sur la toute première image de cet article. Encore une fois, densité et distance jouent un rôle prépondérant sur l'apparence de l'objet.
Bien que l'exposition courte capture bien mieux la dynamique du brouillard, elle a aussi un impact plus important sur la quantité de bruit. C'est un problème récurrent puisque (i) le brouillard est souvent associé à une luminosité faible et (ii) le brouillard réduit d'autant plus la quantité de lumière capturée par l'appareil.
ATTENTION A LA CONDENSATION
Si les goutelettes viennent à condenser dans l'air, alors vous pouvez être sûrs que la même chose se produira à la surface de votre objectif, voire dans l'appareil. Si celui-ci est à la même temperature que l'air ambient et que brouillard n'est pas trop dense, il n'y aura pas de problème. Par contre, il faut s'attendre à une condensation importante si l'appareil se trouvait dans un endroit plus chaud juste auparavent (dans une sacoche par exemple).
Heureusement, il existe un moyen facile de gérer cette transition thermique. Avant de prendre votre appareil dans un endroit humide, il faut placer appareil et objectif dans un sac étanche. Ensuite, le sac peut être amené à l'extérieur et il faut alors attendre que les éléments soient à la même temperature que l'environnement. Pour les objectifs comprenants beaucoup d'éléments optiques, cela peut prendre jusqu'à trente minutes environ.
En tout cas - puisqu'un minimum de concensation est inévitable - pensez à prendre un chiffon sec pour nettoyer la surface de l'objectif.