OBJECTIFS GRAND-ANGLE
Un objectif grand-angle peut être un outil puissant pour exagérer la profondeur et la taille relative des objets dans une photographie. C’est aussi un des objectifs les plus difficiles à utiliser. Cet article passe en revue quelques idées fausses et des techniques permettant de tirer le meilleur des propriétés uniques d’un grand-angle.
Objectif ultra grand-angle 16 mm – Coucher de soleil près de la Death Valley, Californie, USA
GENERALITES
Un objectif est dit grand-angle lorsque sa longueur focale est inférieure à environ 35 mm (sur un capteur 35 mm; voir objectifs: longueur focale et ouverture). Cela correspond à un angle de vue supérieur à environ 55°. La définition d’un ultra grand-angle est moins précise, mais on en parle habituellement pour des longueurs focales d’à peu près 20-24 mm ou plus courtes. Sur un appareil compact, le grand-angle correspond au zoom minimum et l’ultra grand-angle est rarement accessible.
Quoi qu’il en soit, le concept clef est le suivant: plus la focale est courte, plus l’effet grand-angle sera puissant.
Le diagramme ci-dessus montre l’angle maximum des rayons de lumière qui atteignent le capteur de l’appareil. La position à laquelle les rayons se croisent n’est pas nécessairement la longueur focale, mais est plus ou moins proportionnelle à cette distance. L’angle de vue augmente en relation inverse.
Une fausse idée courante est qu’un objectif grand-angle s’utilise généralement lorsqu’on ne peut pas s’éloigner suffisamment du sujet, tout en voulant le photographier en entier. Si on n’utilisait un grand-angle que dans ce cas, on passerait à côté de l’essentiel. En fait, on s’en sert plutôt pour le contraire, c’est à dire lorsqu’on veut s’approcher du sujet!
Ceci étant dit, regardons de plus près (sans jeu de mot) ce qui rend un grand-angle unique:
- L’image inclut un angle de vue plus large
- L’objectif a une distance focale minimum plus courte
Bien que cela puisse paraître basique, les possibilités sont assez surprenantes. La suite de l’article se concentre sur les techniques qui permettent d’augmenter l’impact d’un grand-angle sur la photographie finale.
LA PERSPECTIVE EN GRAND-ANGLE
évidemment, un grand-angle est spécial de part son angle de vue très large. Mais comment cela se traduit-il? Un angle de vue large signifie que la taille et la distance entre des objets proches et lointains est exagérée. Ainsi, les objets proches paraissent énormes tandis que ceux éloignés semblent minuscules. La raison de ce phénomène tient à l’angle de vue:
Objectif grand-angle (les tailles sont très différentes)td> | Objectif télé (les tailles sont plutôt similaires) |
Dans les deux cas, la distance réelle entre les objets est constante. Cependant, la taille perçue varie, tout simplement parce qu’avec un objectif grand-angle, les objets lointains représentent une part moins importante de l’angle de vue total.
Une idée fausse répandue est que l’objectif affecte la perspective. Dans l’absolu, ceci est faux. La perspective dépend en fait seulement de l’éloignement du photographe. La perspective est modifiée par le seul fait que le photographe s’approche du sujet, et non pas à cause de l’objectif.
Fleurs (10 cm) exagérément grosses, Cambridge,
Angleterre. Ultra grand-angle 16 mm
Cette exagération peut être utilisée pour renforcer le premier plan, tout en photographiant un vaste arrière plan. Pour marquer cet effet, il faut s’approcher au maximum.
Dans le cas de gauche, les fleurs les plus proches sont à peine à quelques centimètres de l’objectif, ce qui leur donne cette taille irréelle. En réalité, elles ne sont pas aussi grandes qu’elles en ont l’air!
à cause du grand-angle,
les proportions deviennent irréelles.
Dans le cas d’un sujet humain, il faut être plus attentif. Le nez et la tête peuvent devenir extrêmement disproportionnés par rapport au reste du corps. Pour cette raison, on évite généralement les grand-angle pour un portrait.
Dans l’exemple de droite, la tête du jeune garçon paraît terriblement large. On peut utiliser cette perspective intentionnellement pour ajouter un effet dramatique à une photographie autrement ordinaire. Mais pour un portrait classique, cela n’illustre pas vraiment la personne à son avantage.
Et enfin, parce que les objets lointains paraissent plus petits, il est souvent indispensable de disposer des éléments au premier plan de la composition. Sans ce petit plus qui permet de guider l’oeil à travers le cliché, un paysage aura l’air fade, voire vide.
Quoi qu’il en soit, n’ayez pas peur de trop vous approcher! C’est vraiment ce qui fait l’éclat de ce type de photographie. Il faut juste accorder un peu plus d’attention à la composition et garder en tête qu’un léger déplacement peut avoir un effet dramatique sur la position des objets. Il sera donc parfois difficile de placer tous les objets de manière adéquate.
VERTICALES CONVERGENTES
Lorsque l’objectif pointe au-dessus ou au-dessous de l’horizon, il en découle que les lignes verticales (sensées être parallèles) ont tendance à converger. Tous les objectifs sont concernés mais dans le cas d’un grand-angle, l’effet est beaucoup plus visible. Il faut aussi penser qu’un léger déplacement peut avoir une grande incidence sur la position du point de fuite et ainsi, modifier brusquement la courbure des lignes.
Dans ce cas, le point de fuite est la direction dans laquelle l’appareil pointe. Bougez votre souris sur l’exemple ci-dessous pour voir ce qui se produit lorsque l’appareil pointe au-dessus ou au-dessous de l’horizon:
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Appareil pointé au-dessus de l’horizon | Appareil pointé au-dessous de l’horizon |
Typiquement, dans l’exemple ci-dessus, le point de fuite se déplace peu relativement à l’angle de vue total mais son effet sur le bâtiment est considérable. Ce dernier apparaît tombant, soit vers le photographe soit dans la direction opposée.
Bien que les lignes convergentes soient généralement évitées en photographie architectural, l’effet peut – une fois de plus – être utilisé intentionnellement:
gauche: pins sur l’île de Vancouver, Canada.
droite: Chapelle du collège King, Cambridge, Angleterre.
Dans l’exemple des arbres, l’objectif grand-angle capture les arbres de manière imposante, comme s’ils enveloppaient l’observateur. Bien entendu, ils sont presque parfaitement parallèles les uns aux autres dans la réalité!
De la même manière, la photographie architecturale de droite est prise près de la porte de façon à exagérer la hauteur apparente de la chapelle. D’un autre côté, on obtient l’effet indésirable de voir la chapelle s’écrouler vers l’arrière.
Les seules possibilités de réduire les verticales convergentes sont (i) pointer l’appareil près de l’horizon, même si une grande part du sol se retrouve dans la cadre (qu’on peut éventuellement découper), (ii) s’éloigner du sujet et utiliser une focale plus longue, (iii) utiliser Photoshop ou autre logiciel permettant de corriger la distorsion, ou (iv) utiliser des objectifs à bascule et décentrement pour contrôler la perspective.
Malheureusement, toutes ces options ont leur inconvénient: réduction de la résolution dans les cas (i) et (iii), commodité/perspective dans le cas (ii), ou coût, connaissances techniques et légère réduction de la qualité optique dans le dernier cas.
INTERIEURS ET ESPACES CLOS
Un grand-angle peut s’avérer indispensable dans les espaces confines, simplement parce que l’éloignement est très limité. On observe cela fréquemment en architecture et décoration d’intérieur. Cela peut être un des sujets les plus faciles pour apprendre à utiliser un grand-angle, étant donné que les conditions spatiales obligent le photographe à être proche du sujet.
gauche: focale 16mm – canyon Antelope, Arizona, USA.
droite: escaliers en spirale dans la nouvelle cours, collège St John, Cambridge, Angleterre.
Dans les exemples ci-dessus, on ne peut pas se déplacer de plus de quelques dizaines de centimètres. Les photographies n’en ont pas l’air exiguë pour autant.
FILTRES POLARISANTS
Parc national de Coral Reef, Utah, USA.
L’utilisation de filtres polarisants est à éviter la plus part du temps. Une des caractéristiques clef du filtre polarisant est que son influence varie avec l’orientation relative au soleil. L’effet est maximum à 90° par rapport au soleil et inversement lorsqu’on fait face au soleil.
étant donné que l’angle couvert par un grand-angle peut être aussi large que 100°, il est possible d’avoir un côté face au soleil tandis que l’autre y est perpendiculaire. On observe alors un gradient de saturation et de luminosité d’un côté à l’autre de la photographie, ce qui est généralement indésirable (voir l’exemple de gauche).
GéRER LA LUMIèRE EN GRAND-ANGLE
Exemple de filtre gradué
Un obstacle courant en grand-angle est la variation d’intensité lumineuse à travers l’image. Avec une exposition classique, l’éclairage irrégulier peut rendre une partie de la photographie sous-exposée tandis que l’autre sera au contraire surexposée. L’exposition idéale est donc plus délicate à trouver.
Pour un paysage, la lumière est souvent plus forte en arrière plan (ciel ou montagne) qu’au premier plan (sol, feuillage ou autre). Pour compenser cette variation, la plupart des photographes utilisent un filtre à densité neutre gradué (GND).
Dans l’exemple ci-dessus, le filtre obstrue une partie de la lumière en partie haute et laisse graduellement passer plus de lumière vers le bas. Tout en bas de l’image, la transmission du filtre atteint à peu près 100%. Bougez la souris sur l’image ci-dessus pour observer l’effet d’un filtre gradué. Vous pouvez aussi jeter un coup d’œil sur les tutoriaux filtres et grande gamme dynamique (HDR) pour d’autres exemples de filtrage.
Un objectif grand-angle est plus sensible au halo de lumière, en partie parce qu’il y a plus de chance que le soleil entre dans la composition. Il peut également être difficile de masquer efficacement les bords du cadre avec un pare-soleil sans le voir sur l’image, ou au moins sans observer un léger obscurcissement.
GRAND-ANGLE ET PROFONDEUR DE CHAMP
Depuis le début de l’article, il n’a toujours pas été question de profondeur de champ accrue. En effet, il serait faux de croire qu’un grand-angle la modifie mécaniquement. Si le grossissement est fixé (c’est-à-dire que l’objet en question occupe une part donnée de l’image), un grand-angle et un objectif télé produiront la même profondeur de champ.
La profondeur ne dépend pas de l’objectif lui-même (sous-entendu de son angle de vue) mais puisqu’on utilise rarement un grand-angle et un télé de la même façon, la profondeur de champ peut être confondue avec une caractéristique de l’objectif.
RESUME: COMMENT UTILISER UN GRAND-ANGLE
S’il n’y a pas de règles rigides, on peut néanmoins suivre les indications suivants comme points de départ:
Un grand-angle exagère la taille relative des objets proches et lointains. Pour accentuer cet effet, il faut impérativement s’approcher. Un grand-angle présente aussi l’avantage d’avoir une focale minimum relativement courte, ce qui permet d’avoir une meilleure vue d’ensemble dans les espaces confinés.
Puisque les images en grand-angle incluent souvent une grande quantité de sujets, il est facile de se perdre en confusion. Essayer différentes techniques pour l’organisation du sujet.
La plupart des photographes optent pour une composition en couches distinctes et choisissent d’inclure des objets au premier plan de façon à guider l’oeil à travers l’image.
Un léger déplacement suffit à obtenir un puissant effet de convergence des lignes verticales, présumées parallèles. Il faut donc être attentif lorsqu’il s’agit d’arbres, d’architecture ou autres sujets particulièrement géométriques.
Les deux formes principales de distorsion sont en barillet et en coussinet. Dans le premier cas, les lignes droites sont incurvées vers l’extérieur (cf. image ci-dessus). Dans le second, elles le sont vers l’intérieur.